Voici la copie du courrier adressé le 22 janvier 2008 au Président de la République Française par M. Dominique DUPILET, Président du Conseil Général du Pas-de-Calais, concernantla proposition de faire diparaître les Départements contenue dans le rapport de la commission Attali.
Monsieur le Président de la République,
Quoiqu'en pense la Commission Attali - dont les membres, à une ou deux exceptions près, n'ont aucune expérience de la conduite des affaires locales - les départements ne sont pas ce boulet institutionnel que l'on voudrait faire croire qu'ils sont.
Parce qu'il est le chef de fil de l'intervention publique en matière de solidarité, celle-ci devant être comprise dans son acception la plus générale, c'est-à-dire incluant l'ensemble des champs qui participent à l'inclusion sociale des individus (sport, culture, éducation, environnement), le Département est le seul à être aujourd'hui capable de porter la parole des Hommes et dse territoires que les dynamiques en cours tendent à exclure.
Au-delà de sa compétence en matière de solidarité, le Département peut tenir ce rôle parce qu'il s'ancre dans les territoires en raison de son mode de scrutin, comme aucune autre institution ne peut le faire: suffisamment proche au quotidien du terrain pour en comprendre les dynamiques fines et les évolutions les plus récentes, suffisamment distancié du terrain lorsqu'il siège en Assemblée Plénière pour échapper aux dérives, toujours possibles, d'un localisme excessif.
Il a pu être avancé que le Département était une échelle archaïque et qu'au triptyque "Communes - Département - Etat", il convenait de substituer le triptyque "Intercommunalités -Région - Europe", sous prétexte qu'il correspondrait aux échelles fonctionnelles actuelles.
Cette vision simpliste ne tient pas, car elle fait l'impasse sur le rôle et l'importance des contre-pouvoirs régulateurs. Le Département est aujourd'hui l'un d'eux. Il est sur les thématiques que nous venons d'évoquer "la voix des sans-voix", ceux qui sont ou seront à des degrés divers oubliés ou maltraités dans le domaine économique, culturel, sportif, environnemental.
Le Département est celui qui peut nous mettre collectivement en garde contre nous-mêmes, contre les effets différés des politiques menées à l'échelle européenne, nationale et régionale. En d'autres termes, le Département est un des garants de la durabilité de notre développement.
C'est parce que les hommes et les femmes du Pas-de-Calais le savent, qu'ils attachent une certaine importance à la part de leur identité qu'incarne le 62. Le succès rencontré localement par notre campagne "le 62, c'est nous" n'est pas l'expression d'un repli sur soi, maiscelle du sentiment d'appartenir à une même communauté de destin.
Seule une toute petite minotité "fait son shopping à Bruxelles ou à Londres, prend le TGVpour passer un week-end à Avoriaz, et envoie des e-mails au cousin Edouard qui est en mission à Singapour pour deux mois". Il s'agit sans doute du quotidien des membres de la Commission Attali...
Pour l'écrasante majorité des gens, le Département est l'échelle principale de la vie. Avec notre campagne "le 62, c'est nous", nous ne disons rien d'autre.
Supprimer les départements en tant qu'organe politique comme le propose le rapport Attali, c'est vouloir faire disparaître la solidarité des catégories politiques pour n'en faire plus qu"un acte administratif. Car ne nous y trompons pas, en appeler à la diparition des départements sans préciser que l'administration des conseils généraux demeurera, quoiqu'il advienne, au sein d'instances qui ne seraient plus que des agences administratives, c'est tromper le Françaises et les Français qui pourraient croire que la suppression d'un échelon politique se traduirait par des fonctionnaires en moins et une fiscalité diminuée d'autant. Il n'en serait rien, il conviendrait toujours de mettr en oeuvre les dipositifs que sont le R.M.I., le R.M.A., l'A.P.A..., de faire fonctionner les centres d'incendie et de secours.
Vouloir faire disparaître le Département en tant qu'organe politique, ce n'est pas relancer la croissance par un allègement des charges , c'est faire disparaître la dernière institution politique qui porte en elle l'idée de solidarité envers les hommes et les territoires les plus fragiles. C'est donc laisser des millions d'hommes et de femmes, des dizaines de milliers de km² de territoires muets... renvoyant chacun à sa trajectoire individuelle dans une société qui ne se penserait plus comme une communauté mais uniquement comme un agrégat d'individualité, dont chacune ne devrait compter que sur ses propres forces.
L'héritage culturel de l'Europe n'est pas celà, ce n'est pas dans un tel modèle que notre continent pourra puiser la force de son renouvellement. Que les départements, comme toutes les organisations humaines, aient la nécessité d'évoluer, il n'y a pas de doute ! Cette évolution, la plupart d'entre eux l'ont engagée de manière volontariste. Le Département du Pas-de-Calais est lui-même en pointe sur ces questions avec la territorialisation de ses politiques, la contractualisation de ses interventions, l'élaboration de son projet Statégique Départemental.
Ce dernier est la clé de voûte de notre transformation. Il est l'antithèse de la proposition de la Commission Attali de faire disparaître les départements. Il fait de la solidarité un sujet politique à part entière, un thème statégique et non une catégorie résiduelle.
A l'occasion d'une récente conférence de presse, vous en appeliez à une nouvelle politique de civilisation. Si cette civilisation devait être celle qui laisse les hommes et les territoires les plus fragiles seuls avec eux mêmes, en dehors des termes du débat politique, cela nous ramènerait 300 ans en arrière.
Ce dont nous avons besoin est à l'opposé de cette vision rétrograde de la sociéte et de la place de l'homme. Il nous faut au contraire refonder le pacte social mis à mal par 25 ans d'évolutions économiques et techniques. Il nous faut pour cela nous mettre en situation de parler politiquement de la précarité, de la dépendance, du handicap, de la déshérence des terrtitoires ruraux. Seuls les départements sont en situation de le faire.
Je vous prie de croire, Monsieur le Président de la République, en l'assurance de mes sentiments les meilleurs et de mon plus profond respect.
Dominique DUPILET
jeudi 24 janvier 2008
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